On parle de plus en plus des Dark Patterns, ces méthodes malhonnêtes qui consistent à créer une interface Web destinée à piéger l’utilisateur. Leur but ? Forcer le visiteur à commander un produit, installer une application, transmettre son adresse e-mail, etc. Mais est-ce qu’ils peuvent nous apprendre quelque chose ?
Les Dark Patterns (littéralement tons foncés, mais qu’on pourrait plutôt traduire par interface piégée) sont partout et vous les croisez certainement fréquemment sur Internet. Le genre d’interface qui font rager. Pourquoi ? Parce qu’elle compte sur l’émotionnel de l’utilisateur en le dirigeant malgré lui vers une action qu’il n’avait pas l’intention de réaliser.
Si les Dark Patterns sont malhonnêtes, leur compréhension de l’interface utilisateur et leur talent à en contourner la fonction de base (guider l’utilisateur pour l’aider à réaliser ce qu’il souhaite) est assez fascinant. Et je pense qu’on peut en tirer un certain enseignement.
Quelques exemples de Dark Patterns
Tout d’abord merci au site Internet https://darkpatterns.org conçu par Harry Brignull, qui a été ma source principale d’information pour cet article. C’est d’ailleurs Brignull qui a inventé le terme de Dark Pattern.
En voici quelques uns des plus célèbres qu’il liste sur son site :
Publicités déguisées
Un des plus courant. Vous vous rendez sur un site pour télécharger un utilitaire. Sur le chemin menant au téléchargement, des gros boutons verts Télécharger sont affichés un peu partout et sont en fait des publicités déguisées.
Au point qu’on fini par douter lorsqu’on clique sur le vrai bouton prévu à cet effet.
Interface labyrinthique
Appelé en anglais Roaches Motel (motel de cafards) : il est facile d’y rentrer, bien plus difficile d’en sortir. Par exemple il est facile de s’inscrire sur Facebook et Amazon, mais bien plus compliqué de fermer son compte.
Articles se glissant dans votre panier / coûts cachés
Lors d’une commande sur un site marchand, dans les dernières étapes du processus, vous voyez apparaître des articles supplémentaires. Par exemple des assurances de livraison, accessoires ou options.
Dans le même ordre d’idée, à la dernière étape, un coût Manutention, de quelques francs, vient s’ajouter aux frais de port sans autre info préliminaire.
Culpabilisation à confirmer une action
Plus pernicieux dans son genre, celui-ci vous propose un choix aberrant sur lequel il vous semble difficile, émotionnellement, de cliquer. Par exemple Acheter cet article et juste à côté Non ça ne m’intéresse pas d’économiser 200 CHF. Un peu l’équivalent des publications Facebook qui vous disent Si vous n’aimez pas cette image de chat tout mignon, vous êtes un nazi pédophile.
Jetez un œil à confirmshaming.tumblr.com pour tout un tas d’exemples.
Manipulation de vos actions
Tous les Dark Patterns utilisent ça d’une manière ou d’une autre. Ce concept peut s’appliquer à des couleurs de boutons par exemple. On clique sur un bouton en vert pour faire l’action désirée. Le vert est repris pour le bouton d’action de la page suivante et à la 3ème étape, le bouton vert à une autre fonction qui vous fait sortir du processus. Pour sur une inscription, une commande, etc.
Si le sujet vous intéresse et que vous aimeriez d’autres exemple, visitez le Hall Of Shame du site darkpatterns.org où des utilisateurs tag sur Twitter ces pratiques malhonnêtes. Vous pouvez également regardez cette vidéo passionnante du Nerdwriter qui revient sur le sujet :
Que nous apprennent les Dark Patterns ?
Pour commencer, il faut bien vous dire qu’ils existent depuis les débuts d’Internet. Ils se sont juste généralisés. Pourquoi ? Parce qu’ils fonctionnent et que, si la pratique est malhonnête, elle n’est pas illégale.
Mais d’une certaine manière les Dark Patterns sont réalisés par des gens ingénieux, qui maîtrisent très bien les bases de l’expérience utilisateur. Qui savent comment manipuler le visiteur par des codes couleurs et des termes.
Evidemment, je ne vous conseil en aucun cas d’utiliser une seule de ces pratiques. Cependant il est bon de les analyser pour comprendre ce qui fait une bonne interface. Imaginez une action que vous aimeriez que l’utilisateur effectue, pensez aux Dark Patterns qui pourraient être utilisés et contournez-les. Mieux, mettez-les au premier plan en expliquant bien à l’utilisateur ce qu’il fait et pourquoi.
Voici quelques exemples de détournement :
Empêcher la désinscription
L’interface labyrinthique vous empêche de fermer un compte utilisateur. Si vous rendiez cette action facile mais que vous le fassiez avec humour et intérêt ? Simplement avec une confirmation de clôture décalée et drôle. Une proposition d’aide ou de contact. L’envoi d’un guide d’utilisation. D’une offre spéciale.
Gardez-les utilisateurs inscrit en les gardant conscient de ce qu’ils font c’est possible.
Guider les actions de l’utilisateur
Plutôt que de manipuler l’utilisateur comme mentionné plus haut, guidez-le. Utilisez les codes couleurs, les formes de boutons et les textes pour lui rendre la navigation facile. Par exemple le bouton Nous contacter au bas d’une page, devra être identique à celui permettant d’Envoyer un e-mail depuis le formulaire.
Mais surtout, ne pensez pas que c’est sale d’orienter le visiteur selon vos propres intérêts. Un bouton d’appel à l’action devra forcément être plus visible qu’un bouton d’annulation.
Ajouter des articles au panier
Plutôt que d’ajouter articles et accessoires, proposez-les. Lors de la commande les articles peuvent déjà être affichés avec la possibilité de les ajouter en un clic. Mettez-les en avant avec une couleur spécifique et expliquer leur fonction.
Afficher un accessoire que l’utilisateur peut acheter et proposer une vidéo pour en prouver l’utilité. Ajouter une assurance et mettez un lien vers un article de blog qui en explique les avantages, avec des témoignages.
Coûts cachés à la commande
Si le fameux Manutention de quelques francs peut être difficile à avaler en fin de commande, indiquez-le au plus tôt de la commande et faites-en la promotion. À nouveau mettez une vidéo, expliquez la démarche. Pourquoi l’utilisateur devrait payer ces frais supplémentaires ?
Conclusion
Les Dark Patterns fonctionnent c’est un fait. Mais un site malhonnête ne gagnera pas souvent à l’être. Si des mastodontes comme Amazon peuvent se permettre ce genre de méthode de manière un peu déguisée, en général les petits n’auront l’opportunité de le faire qu’une seule fois. Et même des acteurs importants du web s’en sont mordus les doigts. Comme LinkedIn qui a du payer plusieurs millions après avoir spamé des utilisateurs potentiels suite à un Dark Pattern.
Une site Internet qui ne franchit jamais cette ligne mais en utilise les principes de base, à savoir une interface utilisateur efficace, sera gagnant sur tous les tableaux. Il est toujours plus simple de forcer l’utilisateur à acheter une option à 20 CHF que de lui proposer cette option en mettant en avant ses avantages.
Vous vendrez peut-être 80% d’option en moins, mais le visiteur aura 80% de plus de chances de revenir.
Intéressé par l’expérience utilisateur ? Jetez un œil à mon article ou je dissèque un cas d’expérience utilisateur ratée.